Présidentielles malgaches 2018 : l’abc de la fraude électorale en Afrique

Article : Présidentielles malgaches 2018 : l’abc de la fraude électorale en Afrique
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31 décembre 2018

Présidentielles malgaches 2018 : l’abc de la fraude électorale en Afrique

Les Malgaches sont allés aux urnes le 19 décembre 2018 dans le cadre du second tour de la présidentielle pour élire l’un des deux candidats : Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana. Deux noms très connus. Ce sont les deux belligérants de la longue crise politique qui a plongé Madagascar dans un chaos socio-économique de 2009 à 2013. Le président élu sortant Hery Rajaonarimampianina n’est pas arrivé au second tour, il est arrivé à la 3ème place en récoltant seulement 8% des voix contre 39% pour Rajoelina et 35% pour Ravalomanana. C’est une situation assez inédite en Afrique.

Pour le 2ème tour de la présidentielle, la Commission Électorale Nationale Indépendante (ou CENI) a déjà proclamé ses résultats provisoires le 27 décembre dernier, annonçant Rajoelina victorieux avec 55,66% des voix, contre 44.34% pour Ravalomanana. Près de 520 000 voix d’écart. Ses résultats sont ceux de la CENI et ne sont pas officiels. Ils doivent être passés à la loupe à la juridiction suprême qu’est la Haute Cour Constitutionnelle (ou HCC) pour être validés et officiellement proclamés. Ce qui n’est malheureusement pas évoqué par les médias internationaux c’est que ce 2ème tour est entaché de fraudes électorales, il ne s’agit même plus de suspicions. Est-ce que les fraudes sont « massives » ? Seule la HCC jugera mais les manipulations vont en tout cas au bénéfice de Rajoelina.

Les suspicions de fraudes, on en parle à chaque élection à Madagascar mais il n’y a jamais eu de preuves concrètes ou personne n’a osé porter plainte. C’est vrai que Madagascar est l’un des pays les plus corrompus au monde, les médias français s’amusent à faire des reportages là-dessus en réussissant à filmer des transferts de pot-de-vin en plein jour entre policiers et particuliers. Cette corruption envenime le climat électoral depuis longtemps et il est temps de commencer à lutter contre ce fléau à Madagascar.

En tant que jeunes leaders, à partir de maintenant, on fait faire attention à cette citation de Joseph Staline :

Ce qui compte ce n’est pas le vote, c’est comment on compte les votes.

Les fraudes ! Il faut que cela s’arrête, que les fraudeurs soient punis, et les fraudes dénoncées.

Je suis fier que de mon vivant (je ne suis pas encore vieux!), les fraudes électorales ne restent plus que des rumeurs. C’est maintenant prouvé. Les preuves de fraudes électorales que j’énumère ici sont celles déjà relayées sur les médias sociaux malgaches mais que je partage ici pour attirer l’attention de mes amis africains que de telles manipulations se passent également chez vous. Un clin d’œil à mes amis de la RDC ! Pour information, après une requête à la HCC, l’équipe juridique du candidat lésé avait eu l’autorisation de confronter un échantillon des matériels électoraux utilisés par la CENI (les plis électoraux et les procès-verbaux ou PV) pour confronter les PV physiques qu’ils ont avec ceux de la CENI. Déjà avec ce petit échantillon, plusieurs anomalies ont été avérées. La plupart des documents utilisés dans cet article seront en « malgache » du fait que c’est la langue administrative compréhensible partout dans le pays donc utilisée par la CENI.

Confrontations de PV

La première requête a été la confrontation des procès-verbaux du candidat lésé et ceux de la CENI. Le premier constat est que la CENI ne disposait que de versions scannées (donc numériques) de PV. Dans les photos qui suivent : le papier de couleur rose est la copie de PV que les délégués des candidats reçoivent et celui en blanc est celle de la CENI. Voyez les manipulations constatées :

A part le changement de voix obtenues par un candidat, il y a aussi l’augmentation d’inscrits dans la liste électorale ce qui est totalement impossible car entre les deux tours la liste électorale est la même.

Image issue des réseaux sociaux

PV rose => Candidat 1 = 16 & Candidat 2 = 45. Dans la PV scannée, le changement : ils ont ajouté le chiffre 2 avant le 16 donc Candidat 1 = 216 & Candidat 2 = 45

Image issue des réseaux sociaux

Augmentation du nombre de votants ce qui est totalement illégal : PV rose => Nombre d’inscrits = 248, PV scanné => Nombre d’inscrits = 298. Cette augmentation va bien sûr en faveur d’un candidat.

La CENI a joué la transparence après la proclamation de ses résultats en permettant d’accéder les résultats par bureau de vote sur leurs site web mais cela met bien sûr en flagrant délit les manipulations :

Augmentation du nombre d’électeurs inscrits alors que la loi stipule clairement et strictement que la liste électorale du 2ème tour est la même que celle du 1er tour :

Des bureaux de vote (ou BV) ayant un taux de participation de 100% dans des zones très très enclavées dans le Sud de Madagascar. Le tableau suivant montre un échantillon de BV très louche où connaissant les lieux il est impossible que le taux de participation est à 100% voire plus (oui il y a des votants supérieurs au nombre d’électeurs dans ces BV).

Non-respect de la loi

La loi stipule que chaque bulletin unique doit comporter un numéro de série unique :

Ce qui n’est pas le cas, le numéro de série est seulement sur la souche. Il n’y a donc aucune possibilité pour prouver qu’un bulletin unique est propre à un BV. En tout cas, la commission électorale n’a pas respecté la loi. Cette situation jugée grave par l’équipe du candidat lésé est une preuve que l’élection n’est pas crédible.

Inspection des plis électoraux

Une des suspicions de fraudes courantes depuis le premier usage des bulletins uniques à Madagascar en 2013 est la technique des bulletins pré-cochés et aussi le fameux bourrage des urnes. C’est une requête  à laquelle la HCC a répondu positivement pour demander plus de transparence de la part de la commission électorale. Ainsi, l’équipe du candidat lésé a pu inspecter sous le contrôle de la CENI les matériels rendus par les bureaux de vote (les bulletins et les listes des votants signés).

Image issue des réseaux sociaux

L’ouverture d’un seul pli a permis de mettre à nu un cas évident de bulletins qui ont été cochés par une seule personne. Même sans expert graphologue, on peut constater cela. De plus, cela devrait être des empreintes au lieu de croix dans des régions où 90% de la population sont analphabètes.

Image issue des réseaux sociaux

Constatez dans l’exemple ci-dessus de liste d’émargements issu d’un BV où l’on voit un pseudo taux de participation à 100%. Regardez les émargements par imposition d’empreintes, c’est évidemment une seule personne qui émarge toute la page montrée ici.

Lors des vérifications des plis, sachant que chaque bureau de vote (BV) doit rendre les carnets de bulletins uniques non utilisés à la fin du scrutin, l’équipe de vigilance du candidat lésé ont constaté dans la presque totalité des échantillons vérifiés une absence de 25 à 50 feuilles par BV. Comment la CENI expliquerait-elle ces absences ?

Les morts ont également voté

Le grand défaut de cette élection a été la liste électorale qui a été critiquée par bon nombre d’observateurs avant les élections. La liste a été très mal conçue où beaucoup de personnes n’ont pas été inscrites alors que le nombre d’électeurs a augmenté de 20% par rapport à la liste utilisée durant les présidentielles de 2013. Le plus drôle c’est que des personnes déjà décédées il y a longtemps sont encore inscrites dans la liste.

Plusieurs témoins confirment que leurs proches décédés ont émargé et signé dans la liste électorale donc « les morts ont réellement voté à Madagascar ».

Irrégularités le jour du scrutin

A part ces manipulations, des irrégularités ont été constatées par les observateurs durant la journée du 19 décembre. Il y a eu des manœuvres de déstabilisations visant à décourager les gens d’aller voter : à priori, quelques personnes ont déjà déposé des plaintes sur ces situations-là. Quelques personnes ont été arrêtées durant le scrutin en train d’utiliser de fausses cartes d’identité nationale ou de fausses cartes d’électeur pour voter à la place d’autres personnes !

Ce bureau de vote n’était ouvert qu’à la fin de l’après-midi du jour du scrutin à cause d’une attaque de « dahalo » (bandits) dans le quartier toute la matinée mais il enregistre quand même un taux de participation de 95%. Incroyable !

Est-ce que le candidat Ravalomanana est totalement « clean » dans cette élection ?

Réponse : je ne sais pas. Je ne suis pas membre de son équipe, je suis juste un citoyen qui dénonce les fraudes. L’équipe de Rajoelina a totalement le droit de déposer des plaintes. J’ai vu ceci sur les réseaux sociaux et si c’est vrai, ils doivent déposer une plainte :

Traduction : un supporter de Ravalomanana dans le Nord essaie de corrompre les chefs de quartier dans cette zone !

La balle est maintenant dans le camp de la Haute Cour Constitutionnelle.

Les membres de la HCC ©Midi Madagasikara
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